Bien-être émotionnel et développement personnel

Le bonheur constitue indiscutablement le saint graal du développement personnel. Et pas seulement : la psychologie positive y consacre l’essentiel de ses recherches depuis bientôt une trentaine d’années, maintenant. Mais, de même que l’enfer est pavé de bonnes intentions, il semble que la voie de la félicité soit également différente de ce qu’elle y paraît au premier regard. Plutôt qu’un paisible chemin balisé dans une campagne ensoleillée, se pourrait-il que le bonheur se découvre sur une piste caillouteuse, sinueuse à souhaits et exposée aux vents et à la pluie ? Autrement dit, l’image idyllique d’un bonheur tranquille et confortable (pensez à des termes à la mode comme cocooning, hygge, ikigai…) serait-elle fallacieuse ?

L’équilibre entre plaisir et souffrance

En 2007, l’institut Gallup a interrogé plus de 140 000 personnes issues de 132 pays. À côté de la question de la satisfaction, les répondants devaient indiquer si leur vie présentait des buts importants et du sens. Comme on pouvait s’y attendre, les pays les plus riches, sûrs et au système social solide, tels que la Norvège, le Canada ou la Suisse sont ceux qui offrent les plus grandes chances à leurs habitants d’être heureux. Mais pas d’y mener une vie utile et sensée, contrairement à d’autres plus pauvres et fréquemment sujets à des troubles : la Sierra Leone, l’Angola ou le Tchad par exemple. D’après l’analyse du psychologue Paul Bloom dans son dernier livre intitulé Le Juste Équilibre, entre plaisir et souffrance, consacré à ce sujet, ce seraient justement les difficultés qu’il faut surmonter qui offrent du sens et des buts jugés utiles à atteindre. Les problèmes et autres obstacles à relever constitueraient les ingrédients centraux d’une vie pleine de sens, mais pas forcément qualifiée d’heureuse a priori.

Peut-être est-il temps de revoir notre définition du bonheur ? À une douce félicité, faite de voluptés et d’émotions agréables dans l’instant présent, il faudrait adjoindre une dimension plus active : se fixer des buts jugés importants et utiles, contribuant à donner du sens à notre passage sur terre, au prix d’efforts, de sacrifices, de stress et de moments déplaisants. Un bonheur pas forcément heureux en permanence, mais dans lequel on perçoit du sens ; à cause d’un certain degré d’adversité et non pas malgré lui. Ça tombe bien, il semble que l’humanité doive justement faire face à de nombreux défis importants…

Hédonisme et eudémonisme

Cette idée que le bonheur ne se résume pas à un vécu agréable et nécessite que l’on conçoive du sens à l’existence n’est pas originale en soi. Les philosophes de l’Antiquité l’avaient déjà explorée, comme Aristote avec sa discussion au sujet de l’hédonisme, qui recherche avant tout les plaisirs, distinct de l’eudémonisme, qui aspire à une bonne vie, vertueuse, engagée, au service de valeurs nobles. Pourquoi l’article de Roy Baumeister et ses collègues suscita-t-il alors tant de réactions ? En quoi constitue-t-il une révolution plutôt qu’une simple évolution des concepts ? C’est que leurs travaux montrent de façon empirique, et non philosophique, que les dimensions du plaisir et de la signification sont partiellement distinctes quand il s’agit de bonheur. Si elles se recoupent pour l’essentiel, elles affichent quelques différences irréductibles. Avec cette découverte fascinante : certaines actions qui augmentent le bien-être subjectif diminuent simultanément l’impression que notre vie a du sens (sense of meaning), et inversement.

Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont interrogé à trois reprises environ 400 Américains de 18 à 78 ans. Les volontaires devaient se positionner par rapport à des affirmations portant sur leur bien-être du moment et sur leur sentiment d’utilité comme leur ressenti sur le sens, et évaluer l’effet de leurs activités selon ces deux axes. Les résultats mirent en évidence une importante corrélation entre les deux dimensions : si nous nous sentons bien, il est probable que nous trouvions du sens et de l’utilité à nos activités, et vice versa.

Les enfants ? Une galère, mais qui a du sens !

Riches de ce premier résultat, les chercheurs se sont demandé s’il y avait des activités pour lesquelles le plaisir et le sens n’allaient pas de pair, voire s’opposaient. C’est sans doute là que réside l’originalité de leur démarche, car elle démontre que le bien-être et le sentiment d’utilité apportent parfois des contributions au bonheur distinctes, voire antagonistes. Un exemple bien connu permet de vérifier cet effet surprenant : la plupart des parents sont prêts à affirmer que leurs enfants concourent à leur bonheur en enrichissant leur vie et en la rendant plus complète. Or, les analyses de Baumeister révèlent que si s’occuper des enfants est l’une des occupations qui nourrit le plus le sentiment de sens et d’utilité, elle diminue substantiellement le bien-être instantané. L’éducation de sa progéniture contribue au sens de la vie, mais exige des sacrifices parfois lourds au niveau du bien-être personnel.

Dans un registre plus léger, devoir attendre des personnes lors d’une soirée ou d’un rendez-vous diminue le bien-être (comme ils sont pénibles, ces retardataires !), mais fait sens, au même titre que le fait de se disputer. De même, et peut-être de façon plus surprenante, pour la prière et la méditation : elles augmentent l’impression de sens tout en diminuant le bien-être momentané (un constat qui ressort clairement des données). Un tel découplage s’observe aussi dans le temps passé – perdu devrait-on dire – sur les réseaux sociaux : cela fait plaisir sur le moment, mais on a souvent l’impression que c’est futile, inutile, voire creux. La palme des activités présentant le plus de divergence entre les deux dimensions du bonheur revient à la rumination mentale : se faire du souci est l’activité qui diminue le plus le bien-être, tout en donnant l’impression que cela peut être utile et sensé (même si ce n’est pas forcément le cas !). C’est sans doute ce dernier élément qui explique que, malgré le déplaisir des soucis, nous nous y adonnions encore et encore…

À bien observer cette liste d’activités déplaisantes mais jugées signifiantes, un paramètre capital émerge : le facteur temps. Il apparaît en effet que la plupart d’entre elles font le grand écart entre le présent et le futur : si elles n’offrent que peu de plaisir sur le moment, elles contribuent, du moins l’anticipons-nous, à un avenir meilleur. Attendre des personnes avec lesquelles nous avons rendez-vous illustre parfaitement cette assertion : l’ennui, l’impatience et la contrariété éprouvés sont consentis en vue de la rencontre à venir et de ses bénéfices escomptés. Cette interprétation est par ailleurs confirmée par la recherche de Roy Baumeister. En interrogeant explicitement les participants de l’étude à ce propos, il est apparu de manière générale que se projeter dans le futur – comme du reste revenir mentalement dans le passé – pouvait substantiellement réduire le bien-être présent, mais contribuait au sentiment d’utilité et du sens donné à sa vie.

Ainsi, le bien-être n’emprunte pas forcément le même chemin que celui qui consiste à chercher du sens dans ses actions. Il semble même que certains de ces chemins soient opposés. C’est de cette manière que l’on peut comprendre que les pays dans lesquels le bien-être est important, c’est-à-dire dont le niveau de vie est élevé, avec des institutions fiables et une grande liberté des citoyens, sont aussi ceux où les taux de suicide sont élevés. Le confort tant recherché risque de se transformer en piège en réduisant la variété de buts à atteindre, notamment ceux impliquant efforts et sacrifices.

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